La pêche à Dunkerque, vie maritime et traditions

Les hommes rangés le long du pavois agitaient leurs lignes à main sur un cabillot fendu appelé mèque (terme picard pour mèche). Le poisson remonté en force était élangué par son pêcheur qui conservait la pièce à con­viction pour les comptes. Il était passé à la bordée d'habillage qui le décollait (coupait le cou), l’éberguait (éventrait) et l’énoctait (enlever l'arête et la vessie) pour passer au saleur en cale. Les dunkerquois ne salaient pas en cale mais en barriques, qui beau­coup restaient en pontée ce qui affligeait la stabilité du bateau. Pendant ce temps la troisième bordée se reposait, si du moins elle n'était pas appelée en renfort.

Extrait d'un article de la revue "Escale maritime"

Du temps du « grand métier », (fin XIXᵉ début XXᵉ) les voiliers morutiers sont de deux types : les Islandais et les Terre-neuviers (dont les matelots sont des terre-neuvas). Comme leur nom l’indique, les uns pêchent aux abords de l’Islande, les autres sur les bancs de Terre-Neuve.
En principe (il y a toujours des exceptions) les bâtiments, comme les techniques de pêche ne sont pas les mêmes.
• Les Terre-neuviers (environ 400 tx) sont surtout des bricks ou trois-mâts goélettes  de Fécamp, Granville, Saint-Malo, etc. Ils mouillent leurs lignes de fond à distance du bâtiment au moyen d’embarcations bien particulières : les doris (4 m environ). Chaque jour, les doris, (armés par 1 ou 2 hommes) partent mouiller les palangres de quelque 350 m qu’ils viennent relever le lendemain. Pêche dangereuse par mauvais temps, ou pire, par brume, les pêcheurs ne parvenant pas toujours à retrouver le bateau-mère (*)…
• Les Islandais (100 à 200 tx) sont pour la plupart des goélettes à hunier originaires de Dunkerque, Paimpol, Binic notamment. Sur ces bateaux, la pêche se pratique depuis le bord, sans recours aux embarcations. Les hommes, alignés au vent, côte à côte, le long de la lisse, laissent filer leurs lignes plombées de 300 à 400 hameçons qu’ils agitent en permanence. Travail épuisant, même s’il paraît moins dangereux que celui des Terre-neuvas. (Deux exemplaires de goélettes à hunier sont parvenus jusqu’à nous, L’Etoile et La  Belle Poule construits en 1932 et armés par l’Ecole navale).
• A Terre-Neuve comme « à » Islande, la vie à bord, est l’une des plus rudes qui soient ; elle se déroule dans l’humidité, le froid, la promiscuité, la fatigue permanente, avec pour seul réconfort l’alcool que tous (mousses compris) consomment, sans trop de retenue. L’alcool est aussi nécessaire au pêcheur que le sel à la morue. (Dicton d’époque)
Les campagnes morutières durent de six à huit mois, d’où cette phrase terrible rapportée par le RP Yvon (« Avec les bagnards de la mer ») : « Ah, Jobic, ça fait 26 ans qu’il n’a pas vu de feuilles aux arbres ; il part en mars et revient en octobre…»